Les experts du projet SPOTT de ZSL ont mis en évidence dans leurs dernières recherches l’importance pour les entreprises d’adopter une politique solide en faveur de la biodiversité.

Une nouvelle évaluation menée par l’ONG internationale de conservation de la nature ZSL révèle que seules 2 entreprises parmi les 90 principaux producteurs de bois et de pâte à papier opérant dans les zones tropicales ont mis en place une politique complète pour la biodiversité.

Alors que des records de température sont enregistrés dans le monde entier, ZSL appelle le secteur forestier tropical à fixer de toute urgence des objectifs solides et mesurables pour la réduction de son impact sur le changement climatique ; ce dernier exerçant une pression énorme sur les écosystèmes et la biodiversité dans les régions du monde où les entreprises forestières opèrent.

SPOTT timber pulp 2022 biodiversity policy

Les 100 entreprises évaluées sur la plateforme SPOTT de ZSL sont classées en fonction de critères mesurant leur durabilité. Elles gèrent à elles toutes plus de 44 millions d’hectares de forêts tropicales, qui sont les écosystèmes terrestres les plus riches en biodiversité. Ces entreprises et celles qu’elles fournissent exercent donc une influence considérable sur l’état futur de ces zones naturelles. Pour obtenir un bon score sur SPOTT, elles doivent montrer qu’elles ont adopté de solides engagements en matière de durabilité et communiquer sur la manière dont elles mettent en œuvre ces engagements.

Pour la cinquième année consécutive, SPOTT a publié ces évaluations. Elles comprennent un indicateur lié à la biodiversité qui donne des points aux entreprises qui ont adopté et publié une politique claire, avec des objectifs mesurables, de réduction de leur impact sur la faune, la flore, les habitats, et les ressources naturelles. Seules deux entreprises, Intelholco AG et le groupe April, ont obtenu ces points parce qu’elles ont en place des politiques complètes pour la biodiversité, qui incluent des objectifs mesurables de restauration des habitats, de couverture arborée, et de protection des populations locales d’animaux.

L’équipe SPOTT rappelle que ces politiques nécessitent un suivi et des vérifications sur le terrain pour s’assurer qu’elles sont effectivement mises en œuvre. Elles constituent toutefois une première étape essentielle vers l’atteinte des objectifs mondiaux qui seront fixés lors de la COP15 de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) en décembre prochain à Montréal.

Oliver Cupit, chargé du programme « Sustainable Business & Finance » de ZSL, affirme que « la biodiversité disparait à un rythme jamais égalé depuis la dernière extinction de masse. La science est claire : nous n’avons que très peu de temps pour changer les choses. Si les grandes entreprises telles que les producteurs de bois et de pâte à papier que nous avons évalués améliorent leur pratique en faveur de la nature, cela aura un impact significatif. »

« À l’approche d’une année importante pour la nature, avec la COP15 de la CDB et la COP27 de la CCNUCC, nous appelons les entreprises à prendre au sérieux le sujet de la biodiversité. Nos évaluations SPOTT montrent que l’industrie du bois et de la pâte à papier pourrait faire la différence en fixant des objectifs mesurables et alignés sur ceux qui seront adoptés lors de la prochaine COP à Montréal. »

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700-1000-year-old ironwood trees logged in the Amazon | Credit: Mohsin Kazmi, Junglekeepers

Les évaluations SPOTT de cette année montrent que seules 48 entreprises sur 90, soit un peu plus de la moitié (53%), ont un engagement « zéro déforestation », et seules 12 entreprises sur 94, soit 13% s’engagent également à s’assurer que tous leurs fournisseurs respectent ce même engagement zéro déforestation.

Seules 8 entreprises sur 90, soit 9%, publient des informations détaillées sur la manière dont elles surveillent la déforestation ou leurs impacts sur les écosystèmes, et seules 10 sur 94, soit 11%, publient des données sur les progrès accomplis pour attendre leur engagement à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Le changement climatique est l’une des principales causes du déclin de la biodiversité, avec la surexploitation et la disparition des habitats naturels. Parallèlement, la destruction des écosystèmes compromet la capacité de la nature à réguler les émissions de gaz à effet de serre, accélérant ainsi le changement climatique.

« Nous avons le choix » a déclaré la semaine dernière le Secrétaire Général des Nations Unies, António Guterres, dans un message vidéo : « action collective ou suicide collectif : c’est entre nos mains. »

La conférence des Nations Unies sur la biodiversité (COP15) devrait adopter une feuille de route spécifiant la manière dont les dirigeants et décideurs mondiaux vont orchestrer l’arrêt du déclin de la biodiversité d’ici à 2050. Les parties de la Convention s’y réuniront pour conclure les négociations en cours et décider d’un nouveau cadre mondial pour la biodiversité post-2020. Une première version de ce cadre comporte déjà 20 objectifs pour 2030 et reconnaît le rôle du secteur privé dans l’atteinte de ces objectifs.

Oliver Cupit indique que « la plupart des entreprises évaluées améliorent leur transparence et leur durabilité d’année en année, mais l’amélioration générale du secteur est encore décevante. Les entreprises doivent avancer beaucoup plus rapidement sur leurs engagements en matière de durabilité. »

Les entreprises évaluées par SPOTT publient volontairement leurs politiques et autres références en matière de durabilité. Elles travaillent généralement en amont de la chaîne d’approvisionnement : ce sont pour la plupart des entreprises de gestion forestière, mais SPOTT évalue également des entreprises de transformation du bois (scieries) et des grands négociants de matières premières forestières.

Oliver Cupit ajoute qu’un « règlement européen sera bientôt en vigueur pour obliger les entreprises de l’Union Européenne à s’assurer que les produits qu’elles achètent ne sont pas issus de la déforestation dans le pays de récolte. Seule la moitié des entreprises que nous avons évaluées ont un engagement zéro déforestation et 9% indiquent publiquement la manière dont elles surveillent la déforestation. Si le secteur forestier ne met pas en place cette surveillance, il y a un risque que les importateurs européens se mettent à éviter les bois tropicaux en raison de ce règlement. En revanche, les acheteurs européens peuvent utiliser SPOTT dans le cadre de leur diligence raisonnable pour identifier les acteurs les plus proactifs en matière de déforestation et de biodiversité. »

Les acheteurs, institutions financières, ONG et tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement sont encouragés à utiliser les données gratuites et complètes de SPOTT qui sont accessibles à l’adresse www.spott.org.L’ONG internationale de conservation de la nature ZSL appelle les dirigeants du monde entier à placer la nature au cœur de toutes leurs décisions et à faire les efforts nécessaires en faveur de la biodiversité et de la lutte contre l’urgence climatique. Vous pouvez soutenir le travail de recherche et de conservation de ZSL, en savoir plus sur notre travail et faire un don à l’adresse : www.zsl.org.

primary Amazon rainforest in Peru David J Johnston

Primary Amazon rainforest landscape in Peru | Credit: David J Johnston, ZSL