En bref  

Avec 2030 pour horizon, la SNDI a pour objectif de combattre la déforestation importée, définie comme: « L’importation de matières premières ou de produits transformés dont la production a contribué, directement ou indirectement, à la déforestation, à la dégradation des forêts ou à la conversion d’écosystèmes naturels en dehors du territoire national ». Les importations agricoles considérées comme contribuant le plus à la déforestation sont le soja, huile de palme, bœuf et ses coproduits, cacao et hévéa, sans oublier le bois.

Transparence des entreprises et finance responsable

L’objectif 12 de la SNDI souligne que la finance a un rôle à jouer. Reconnaitre et intégrer les problèmes que posent la déforestation explicitement dans les stratégies et politiques du secteur financier est clé pour combattre la déforestation importée (voir notre blog sur la première version de la SNDI soumise à consultation en juillet 2018). Pour mieux soutenir les efforts de diligence raisonnée et les prises de décisions du secteur financier, la SNDI insiste sur l’importance de la transparence des entreprises et sur le reporting non financier :

  • La stratégie mentionne le potentiel d’une future révision de la Directive 2014/95/EU qui oblige les grandes entreprises à inclure des informations non-financières dans leur reporting annuel. Cette demande pour plus de transparence se retrouve aussi dans les objectifs de l’organisation Alliance for Corporate Transparency dont le but est de promouvoir renforcement du cadre sur la publication d’informations environnementales et sociales
  • En plus de la récente adoption par la France de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 (demandant aux entreprises d’identifier et d’atténuer les risques sociaux et environnementaux liés à leur activité), la version finale de la SNDI confirme l’intention du gouvernement de proposer un texte similaire au niveau européen.

Améliorer les certifications et rendre leur diffusion plus large.

L’ordre dans lequel les propositions liées à la certification sont présentées dans la stratégie a été modifié dans la version finale du document: le paragraphe traitant de la nécessité d’améliorer les mécanismes de certification passant avant celui sur la nécessité d’augmenter la diffusion (et donc la part de produits certifiés sur le marché) des labels de certification.  

Bien que petit, ce détail n’est peut-être pas sans importance en ceci qu’il pourrait être le reflet de la prise en compte des voix (notamment d’ONGs) appelant au renforcement des mécanismes de certifications qui sont parfois considérés trop peu exigeants ou dont la mise en œuvre est parfois mise en question.

  • Concernant l’amélioration des certifications (mesure 13-1): la stratégie fait une liste conséquente de problématiques environnementales, sociales et de gouvernances qui sont communément présentes dans les filières agricoles concernées (problématiques qui font par ailleurs parties des sujets pris en compte dans les évaluations SPOTT[1]):
    • le respect du statut légal des terres
    • l’adoption des critères High Conservation Value (HCV) et High Carbon Stock (HCS)
    • l’exclusion des plantations sur tourbières, l’absence de conversion des forêts ou autres d’écosystèmes naturels
    • le respect du Consentement Libre Informé Préalable (CLIP)
    • des références au droit du travail et des travailleurs et des conventions de l’Organisation Internationale du Travail
    • le soutien au petits producteurs
  • Concernant la diffusion accrue des certifications (mesure 13-2): La SNDI propose d’encourager l’adoption de politiques d’approvisionnement en ce sens, améliorer la labellisation des produits, et de promouvoir la consommation responsable par des campagnes de sensibilisation (mesure 14-2)

Bois illegal et deforestation

La version finale de la stratégie va un peu plus loin que la version soumise à consultation en ce qui concerne la déforestation cause par l’exploitation forestière illégale. La version précédente suggérait que soutenir (et améliorer) les outils préexistants – tels que FLEGT et le Règlement Bois de l’Union Européenne (RBUE) – ayant pour but d’empêcher la déforestation liée au commerce international de produits bois était assez pour limiter les impacts de la filière bois. Cette approche pouvait être jugée quelque peu passive, considérant qu’un rapport publié par Chatham House en 2015 estimait que près de la moitié de tout le bois tropical en circulation sur les marchés internationaux est issu de la conversion des terres forestières (et que les deux tiers de ce bois issu de la conversion serait de surcroit produit illégalement).

La version finale propose aussi des mesures visant une meilleure mise en œuvre du RBUE (mesure 9-1), notamment:

  • L’extension des pouvoirs des agent spécialises de police judiciaire notamment dans le cadre de contrôles sur les bois importés.
  • Un objectif annuel de 175 contrôles d’importateurs introduisant pour la première fois les produits bois sur le marché européen par an – une augmentation de moins de 10% comparément au nombre de contrôles effectués sur la période 2015-2017 selon un rapport de mise en œuvre du RBUE soumis par la France aux instances européennes (320 contrôles sur deux ans).

Le role des biocarburants

Un autre aspect de la version finale de la stratégie est la réduction de déforestation importée liée aux biocarburants (alors que la version soumise à consultation faisait seulement état de décisions et rapports attendus au niveau européen). Entre autres, la version finale met en avant les mesures suivantes:

  • Plafonner l’utilisation de biocarburants de première génération aux niveaux de 2020 et sous la barre des 7%, tel que le prévoit la directive européenne sur les énergies renouvelables. La stratégie précise que les biocarburants à base de distillats d’acide gras de palme sont aussi visés par ce plafond (mesure 6-4).
  • Eliminer progressivement d’ici 2030 de l’utilisation des matières premières « à fort impact sur le changement d’affectation des sols » (critères à définir au niveau européen).
  • Soutenir la Commission Européenne dans le renforcement des critères de durabilité pour les produits « potentiellement liés à la déforestation » d’ici 2023. Ce renforcement, couplé à une proposition de ségrégation des lots de biocarburants (mesure 6-5), devrait forcer les filières agricoles à agir rapidement pour répondre à des obligations plus strictes exigeantes concernant l’approvisionnement.

De plus en plus d’acteurs prennent la mesure des conséquences de la déforestation importée et des impacts de la production agricole à l‘échelle française, européenne et mondiale. SPOTT fait le suivi des efforts de transparence des entreprises et œuvre pour des pratiques durables dans le secteur de l’huile de palme, du bois et de la pâte à papier et de l’hévéa (caoutchouc).

[1] Ces problématiques sont couvertes par les évaluations SPOTT pour le secteur huile de palme et le secteur bois et pâte à papier