Alors qu’elle publie aujourd’hui (mardi 10 novembre 2020) son évaluation annuelle de 100 des plus gros producteurs, transformateurs et négociants d’huile de palme dans le monde, l’ONG internationale de conservation ZSL (Zoological Society of London) exhorte l’industrie de l’huile de palme à intensifier ses efforts de reporting et à assumer sa part de responsabilité dans la lutte contre les crises mondiales du climat et de la biodiversité.

Défricher et brûler les forêts et sols tourbeux riches en carbone pour produire de l’huile de palme fait partie des principales causes de la déforestation dans les tropiques, détruisant de précieux habitats pour la faune, supprimant des stocks naturels de carbone et accélérant ainsi la perte de biodiversité et le changement climatique.

En s’associant au Consumer Goods Forum ou en annonçant leurs propres objectifs, des entreprises exposées à la filière huile de palme avaient pris des engagement zéro déforestation à l’horizon 2020. Beaucoup ont également signé la Déclaration de New York sur les forêts, qui visait à réduire de moitié la déforestation mondiale entre 2014 et 2020. Alors que l’échéance de 2020 est atteinte, la plupart des entreprises n’ont toujours pas communiqué d’informations quant à la manière dont elles surveillent la déforestation au sein de leurs propres opérations ou de celles de leurs fournisseurs.

L’analyse de 100 producteurs, transformateurs et négociants du secteur de l’huile de palme publiée par l’équipe de SPOTT, une initiative développée par ZSL pour encourager la transparence et la mise en œuvre de bonnes pratiques, a permis d’observer que seules 42% (33 sur 79) des entreprises évaluées rapportent avec précision la manière dont elles surveillent la déforestation dans leurs propres opérations, alors même que 71% (56 sur 79) ont un engagement zéro déforestation.

Les producteurs d’huile de palme sont également encouragés à appliquer leurs engagements à l’intégralité de leur chaîne d’approvisionnement. Pourtant, alors que 55% (54 sur 98) des entreprises évaluées affirment appliquer leurs engagements zéro déforestation à leurs fournisseurs, seules 10% (10 sur 98) sont en mesure de rendre compte de manière compréhensive de la manière dont elles surveillent le respect de ces engagements.

Eleanor Spencer, conseillère technique sur l’huile de palme à ZSL, déclare : « 2020 est un signal d’alarme, et beaucoup se rendent compte de l’impact de la consommation et des comportements humains sur la planète. Il y a du progrès : les entreprises d’huile de palme ont fixé des engagements clairs pour lutter contre la déforestation, mais il est désormais certain que de nombreux objectifs zéro déforestation pour 2020 ne seront pas atteints. Ces délais ne peuvent plus être prolongés si nous voulons lutter de manière efficace contre les crises du climat et de la biodiversité. »

L’analyse de SPOTT a mis en évidence des chiffres similaires quant au reporting des entreprises sur les autres éléments de l’engagement NDPE (zéro déforestation, zéro destruction des tourbières et zéro exploitation de la main d’œuvre, de l’anglais No Deforestation, No Peat, No Exploitation). 72% (57 sur 79) des entreprises publient des engagements détaillés à ne pas planter sur des tourbières, mais seules 20% (14 sur 70) rendent compte de la mise en œuvre de l’engagement. 75% (59 sur 79) ont un engagement zéro brûlis, mais seules 54% (43 sur 79) divulguent des détails sur la gestion des incendies et leurs pratiques de surveillance.

Eleanor Spencer ajoute : « La responsabilité de lutter contre la déforestation et d’améliorer la durabilité de la production d’huile de palme est partagée par l’ensemble des acteurs de la chaîne d’approvisionnement et des parties prenantes clés en dehors de celle-ci. Il est vital que ces différents groupes travaillent ensemble pour pousser au changement. »

Nina Roth, directrice au sein de l’équipe investissement responsable de BMO Global Asset Management, déclare : « Dans notre dialogue avec les institutions financières, nous nous concentrons sur les efforts de prêt et de souscription, et sur la manière dont les engagements zéro déforestation doivent être reflétés dans les normes de diligence raisonnable. Il y a encore des lacunes, et même les grandes banques internationales manquent de normes environnementales et sociales sur l’huile de palme et les autres denrées. SPOTT nous aide directement à évaluer les performances de la production de denrées en matière de durabilité, et en particulier de l’huile de palme. C’est aussi un outil que nous référençons dans nos dialogues et que les banques et entreprises peuvent consulter. »

Alors qu’elle se trouve dans de nombreux produits alimentaires et ménagers, l’utilisation de l’huile de palme est devenue un sujet quelque peu polarisant, les campagnes de boycott ayant parvenu à considérablement sensibiliser les consommateurs. Pourtant, l’huile de palme est toujours considérée comme l’une des cultures oléagineuses les plus efficaces en termes de rendement à l’hectare, ce qui signifie qu’un rejet complet du produit ne ferait que déplacer la demande vers des alternatives moins efficaces et entraîner une plus grande destruction des habitats naturels. Les entreprises peuvent acheter de l’huile de palme certifiée RSPO (table ronde sur l’huile de palme durable, de l’anglais Roundtable on Sustainable Palm Oil), le plus grand programme de certification de l’huile de palme à l’échelle mondiale, et ainsi garantir que leurs produits respectent des exigences strictes en matière de durabilité.

Spencer conclut : « Ces résultats devraient être une alerte rouge pour les producteurs d’huile de palme ainsi que leurs investisseurs, banques et acheteurs en aval de la chaîne d’approvisionnement qui ont pris les mêmes engagements pour arrêter la déforestation. Il est maintenant crucial que l’industrie et ses parties prenantes se réunissent pour s’assurer que des mesures suffisantes sont prises sur le terrain, et que ces objectifs zéro déforestation ne sont pas des promesses vaines. »

ZSL appelle les entreprises de la filière huile de palme et leurs parties prenantes à respecter leurs engagements et à veiller à ce que les objectifs zéro déforestation soient mis en oeuvre, atteints et documentés de manière transparente afin que nous puissions véritablement résoudre la crise à laquelle sont confrontées les forêts tropicales.