Alors que le caoutchouc naturel est utilisé dans des produits du quotidien, tels que les pneus, les tapis de yoga, les chaussures ou les préservatifs, sa production à l’échelle mondiale manque de transparence et d’engagements pour protéger les populations et la nature.

C’est le résultat de la première étude sur l’industrie du caoutchouc naturel, conduite par l’ONG internationale de conservation ZSL (Zoological Society of London), qui a évalué 15 entreprises de caoutchouc naturel parmi les plus importantes et calculé un score moyen de seulement 35% sur sa plateforme SPOTT (Sustainability Policy Transparency Toolkit).

Contrairement à d’autres industries telles que l’huile de palme ou le bois, qui subissent des pressions extérieures pour l’amélioration de leur durabilité, le caoutchouc naturel est un secteur négligé. Cela est dû au fait que 85% de l’approvisionnement mondial est produit par des petits exploitants issus des populations locales qui cultivent des petites parcelles de terre et sont dans l’incapacité d’absorber les coûts associés à une évolution vers des pratiques plus durables.

L’initiative SPOTT de ZSL a évalué 15 entreprises productrices et transformatrices, représentant 13,5% de la surface mondiale de terre utilisée par le secteur, en fonction de 120 indicateurs de transparence. Le score moyen issu de cette analyse, publiée aujourd’hui (le mardi 26 novembre 2019), est de 35%. C’est un score comparable aux autres industries évaluées par SPOTT, telle que l’industrie de l’huile de palme, dont le score moyen est également de 35%. L’étude fait écho à l’appel de nombreuses organisations de conservation de la nature qui demandent que les entreprises agissent pour améliorer la durabilité de leur industrie et limiter son impact sur la nature.

De plus, bien que certaines entreprises s’engagent à respecter des politiques environnementales, sociales et de gouvernance (ESG), bien moins nombreuses sont celles qui publient des preuves de leur mise en œuvre : 11 entreprises sur 15 (73%) s’engagent à la conservation de la biodiversité, mais seules 4 sur 15 (27%) rapportent avoir identifié les espèces menacées sur leurs terres, et seules 7 sur 15 (47%) publient des exemples d’activités de conservation des espèces ou des habitats. Identifier les espèces en danger est une étape nécessaire pour comprendre comment mieux les protéger.

Eszter Wainwright-Deri, chargée de recherche SPOTT à ZSL : « Forts du succès du modèle de SPOTT dans les secteurs de l’huile de palme, du bois et de la pâte a papier, nous avons décidé de l’appliquer à la production de caoutchouc naturel du fait de l’impact qu’a actuellement le secteur sur les populations et la nature en Asie. »

« Alors que 85% du caoutchouc naturel est produit par des petits exploitants, il est important que les entreprises ne se focalisent pas uniquement sur la durabilité de leurs propres opérations, mais aussi qu’elles soutiennent leurs fournisseurs, y compris les petits exploitants. Bien qu’une grosse partie des entreprises soit consciente de cela, seules 4 sur 14 (29%) publient des informations sur la manière dont elles engagent ou évaluent leurs fournisseurs. C’est pourtant primordial si l’on souhaite s’assurer que le secteur du caoutchouc naturel, dont les petits exploitants, progresse vers une plus grande durabilité. »

Le caoutchouc naturel vient du latex de l’arbre à caoutchouc (Hevea brasiliensis), un arbre tropical originaire d’Amérique latine. Il est principalement cultivé dans les régions tropicales d’Asie, où six pays utilisent près de 12 millions d’hectares de terre pour fournir 95% de la production mondiale de caoutchouc naturel : la Thaïlande, l’Indonésie, la Malaisie, le Vietnam, l’Inde et la Chine.

L’expansion rapide de larges monocultures de caoutchouc naturel en Asie du Sud-Est dans les dix dernières années a entrainé la conversion de forêts naturelles, riches en biodiversité, pour faire place à des plantations d’arbres à caoutchouc, affectant l’habitat d’espèces menacées telles que le semnopithèque à coiffe (Trachypithecus cristatus) et l’éléphant d’Asie (Elephas maximus).

Alors que le caoutchouc est principalement utilisé dans les industries médicale et automobile – 75% du caoutchouc naturel est utilisé pour la production de pneus – les fabricants ont établi la GPSNR en 2017, plateforme mondiale pour un caoutchouc naturel durable (Global Platform for Sustainable Natural Rubber en anglais). L’impact de cette initiative a été mis en évidence par l’analyse de ZSL, qui a montré que 5 entreprises sur 15 ont eu un score moyen de 48,7%, alors que les entreprises qui ne sont pas membres de la GPSNR ont obtenu en moyenne 27,5%. En tant que membre de la GPSNR, ZSL soutient sa vision et participe au développement d’un agenda pour un caoutchouc naturel durable.

Stefano Savi, directeur de la GPSNR : “La plateforme mondiale pour un caoutchouc naturel durable travaille à l’amélioration du respect des droits humains, à la prévention de l’accaparement des terres et de la déforestation, à la protection de la biodiversité et des ressources en eau, à l’amélioration des rendements, et à une plus grande transparence et traçabilité de la chaine d’approvisionnement. La transparence est un des points importants dans le travail de la GPSNR, parce qu’elle est indispensable pour parvenir à des chaines de valeur durables dans n’importe quel secteur des marchandises, parmi lesquels le caoutchouc naturel n’est pas une exception. Mesurer la transparence fournit des incitations importantes pour pousser les entreprises à respecter et améliorer leurs engagements pour plus de durabilité. »

L’étude complète est disponible à ce lien : www.spott.org/natural-rubber